Les philosophies du jeu

Bonjour; je vais travailler cet été sur les diverses ontologies, anthropologies et sociologies du jeu et du sport.
Je cherche des références sur le sujet, à la fois des apologistes et des "critiques de la raison ludique".
D'un côté, j'ai déjà lu des choses passionnantes ( par ordre d'importance pour mon propos) chez Nietzsche, Schiller, Fink, Belhaj Kacem, Axelos, Pindare, Leibniz, Huizinga, Bataille, Caillois, Winicott, Locke, Wittgenstein, Casanova, Klossowski, Héraclite, Benveniste, Nabokov, Zweig, Dostoïevski
De l'autre, il y a des critiques profondes du côté d'Adorno, Benjamin, Veblen, et peut être bien chez Spengler, Rousseau, Heidegger, Platon et Aristote, Lenain...
Le but n'est bien sûr pas d'être exhaustif, mais je n'aimerais pas oublier une piste importante.

Des idées?

En fait voilà un début de plan de bataille/ bibliographie


Site internet sur la question : http://ludopathe.blogspot.fr/


Petite bibliographie improvisée sur le jeu (je la mets à jour au fur et à mesure)


Belhaj Kacem- La transgression et l'inexistant ("Jeu")
Belhaj Kacem – Existenz
Belhaj Kacem - De la communauté virtuelle
Belhaj Kacem – Pop philosophie
Belhaj Kacem - Théorie du trickster
Pindare - Olympiques
Héraclite – Fragments (B, LII)
Huizinga – Homo ludens
Elias & Dunning - Sport et civilisation
Gumbrecht - Eloge du sport
Caillois – Les jeux et les hommes
Hamayon -Jouer. Une étude anthropologique
Duflo – Le jeu, une approche philosophique
Duflo – Jouer et philosopher
Duvignaud – Le jeu du jeu
Fink – Le jeu comme symbole du monde
Axelos – Le jeu du monde
Lenain – Critique de la raison ludique
Schiller – Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme
Ehrenberg - Le culte de la performance
Queval,- S'accomplir ou se dépasser
Chauvier – Qu'est ce qu'un jeu?
Locke – Propos sur l'éducation
Carse - Jeux finis, jeux infinis : le pari métaphysique du joueur, (trad. G. Petitdemange et P. Sempé),
Sibony – Le jeu et la passe
Nassif - La lutte initiale
Wittgenstein – Recherches philosophiques
Nietzsche – Le gai savoir (III par. 109-110)
Ainsi parlait Zarathoustra (I, Des vieilles et des jeunes)
Ecce homo (Pourquoi je suis si malin, 10)
Klossowski – Nietzsche, volonté de chance
Coubertin : Essais de psychologie sportive "Le sport et la guerre"
Socrate (ironie comme une mise ludique)
Casanova ? Histoire de ma vie
Kant (Critique de la faculté de juger par. 35, 40, 44 + Réflexions sur l'éducation ; "Réflexion 987, in AK XVI) ,
Heidegger (Beiträge? Traités impubliés? Séminaire sur Héraclite? Propos sur le quadriparti...)
Leibniz Essai de Théodicée, I, 56 + Drôle de pensée Ak IV, 1, Lettre à Jean Bernoulli; Lettre à Remond de Montmort
Fontenelle – Eloge de Montmort
D'Alembert (article "Bassette" dans l'Encyclopédie)
Rousseau – Lettre à D'Alembert; Emile II, p. 169 en G-F ; Confessions 1ère partie, Livre V
Diderot, Le neveu de Rameau , in Oeuvres, II, p. 624
Benveniste, Le jeu comme structure, in Decalion, 2
Alain ( Propos par.102, 559 ,518, 835, 728, 834, 945 ,937)
Simondon, Imagination et invention pp. 36-38 et 98-100
Derrida
Gadamer - Vérité et Methode
Dusaulx - Lettres et réflexions sur la fureur du jeu
Ost & Van de Kerchove – Le jeu : un paradigme pour le droit
Ohen - Hasard, adresse et chance : la psychologie du pari et du jeu
Séris – La théorie des jeux
Henriot – Sous couleur de jouer : la métaphore ludique
Winnicott – Jeu et réalité : l'espace potentiel
Perec – W ou le souvenir d'enfance (Chapitre XXXVI)
E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne
Brenner R. et G., Spéculation et jeux de hasard. Une histoire de l'homme par le jeu
J. P. Carse, Jeux finis, jeux infinis. Le pari métaphysique du joueur
Yonnet - Huits leçons sur le sport
Vargas - Sport et philosophie
Brohm - La construction des identités sportives

Critiques
Platon (in Diogène Laërce, Vie, doctrines, et sentences des philosophes illustres, p.165)
Aristote (Ethique à Nicomaque, X, 6 , 1176 b ; Politiques, VIII , 3 , 1337 b)
Badiou
Boileau
François de Sales (Introduction à la vie dévote, 3ème partie, chap. XXI)
Diderot (Bijoux indiscrets)
Thomas d'Aquin (Sommes théologique II a , II ae, p.168 art. 2 à 4)
Pascal (Pensées, 414 en Lafuma, Traité du triangle arithmétique in Oeuvres complètes, p.57 et le pari?)
Heidegger ( Nietzsche I , " la volonté de puissance en tant qu'art", "L'éternel retour du même" , critique de la massification, Introduction à la métaphysique p. 57-60)
Adorno et l'école de Francfort (? sport et fascisme des masses?)
Debord (? idem)
Freud - Au delà du principe de plaisir
Veblen - Théorie de la classe de loisir
Benjamin - Charles Baudelaire


Echecs
Nabokov – La défense Loujine
Zweig – Le joueur d'échec
Wendling Thierry, Ethnologie des joueurs d’échecs, Paris, PUF, 2002.
Rousseau - ?

Jeux d'argent
Dostoïevski – Le joueur

Jeu de go

Yasunari Kawabata - Le Maître et le tournoi de go

Autres ouvrages:

Junger – Traité du rebelle
Benjamin – Paris, capitale du XIXème siècle
Vattimo – Les aventures de la différence


Films-

Kitano - Achille et la tortue
Kitano - Sonatine
Kitano - L'été de Kikujiro
Cronenberg – Existenz
Malick - The tree of life
Kubrick - Orange mécanique
Kubrick - Full metal jacket
Brazil
Coup de tête
A mort l'arbitre!
Black Swan
The wrestler



Essais sur les objets et pratiques ludiques

Brougere Gilles, Jeu et éducation, Paris, L’Harmattan, 1995.
Brougere Gilles, Jouer / Apprendre, Paris, Economica Anthropos, 2005.
Brougere Gilles, Jouets et compagnie, Paris, Stock, 2003.
Manson Michel, Histoire(s) des jouets de Noël, Paris, Téraèdre, 2005.
Manson Michel, Jouets de toujours, Paris, Fayard, 2001.


Sur les jeux de rôles:
Caïra Olivier, Jeux de rôles, les forges de la fiction, CNRS Éditions, 2007.
Fine Gary Alan, Shared Fantasy : role-playing games as social worlds, Chicago, University of Chicago Press, 1983.
Mackay Daniel, The fantasy role-playing game – a new performing art, Jefferson, Mc Farland, 2001.
Trémel Laurent, Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia : les faiseurs de mondes, Paris, Presses universitaires de France, coll. Sociologie d’aujourd’hui, 2001.
Voelckel Anne-Christine, “Jouer ensemble, approche biographique d’un loisir : le jeu de rôles », Sociétés contemporaines n°221, 1995, p. 57-74.


Jeux videos
E-Formes : Écritures visuelles sur supports numériques, Saint-Étienne, Centre Interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'expression contemporaines/Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2008.
 Histoire :
Masques et déguisements dans la littérature médiévale, dir. Marie-Louise Ollier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1988.
Mehl Jean-Michel, Les Jeux au royaume de France du XIIIe au début du XVI e siècle, Paris, Fayard, 1990.
Menegaldo Silvère, Le Jongleur dans la littérature narrative des XIIe et XIIIe siècles. Du personnage au masque, Paris, Champion, coll. N.B.M.A., 2005.
Rousse Michel, La scène et les tréteaux : le théâtre de la farce au Moyen Âge, Orléans, Paradigme, coll. Medievalia, 2004.
Roy Bruno, Une Culture de l’équivoque, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1992
Stanesco Michel, Jeux d'errance du chevalier médiéval : aspects ludiques de la fonction guerrière dans la littérature du Moyen Âge flamboyant, Pays-Bas, Leiden, E.J. Brill, 1988.
Villeneuve Johanne, Le sens de l'intrigue : la narrativité, le jeu et l'invention du diable, Québec, Presses de l'Université de Laval, coll. Interculture, 2003.
Triclot, Philosophie des jeux vidéos et les collectifs, Voir les jeux vidéos. Perception, construction, fiction et Espaces et temps des jeux vidéos.
 

Qui vient de sortir : Jouer. Une étude anthropologique, de Roberte Hamayon

Pas encore lu, mais Hamayon est une très bonne anthropologue, et je n'ai entendu que des bonnes choses sur ce livre.

Sur le plan philosophique, ça ne m'étonne pas que tu partes de Nietzsche : pour faire comprendre à mes élèves l'idée d'éternel retour, je n'ai guère trouvé mieux que le modèle de l'enfant qui joue et recommence, renouvelle sans cesse, son activité.

Tu as des pistes stimulantes dans les Propos d'Alain : dans l'édition Pléiade, la table analytique offre une entrée "Jeu" qui permet de s'y retrouver facilement.

Sinon, n'hésite pas à nous faire part de tes recherches, ça m'intéresse !

hmmm, je ne suis pas très sûr de ce que je vais faire.

Je dois rédiger un article pour la revue "Philosophique" de l'université de Besançon qui portera sur l'oeuvre de Mehdi Belhaj Kacem. Celui-ci, comme toute la pensée contemporaine continentale de Nietzsche à Bataille, prétend depasser la thématique aporétique du nihilisme et en même temps les apories du politique (cf son clash récent contre Badiou) par une pensée anthropologique du jeu, qui au fond est très proche de celle de Schiller dans ses Lettres sur l'éducation esthétique
Plongé comme je le suis depuis quelques mois dans les travaux d'Adorno et Benjamin, je cherche à prouver la pertinence et/ ou à éprouver les limites d'une telle piste. Mais je n'en suis qu'aux balbutiements.

Merci pour les deux pistes, la table analytique et cet ouvrage d'Hamayon, je vais de ce pas à la B.U me rencarder!

Je travaille sur le jeu de rôle, si tu veux échanger à l'occasion sur cet enjeu...

le divertissement chez pascal, peut être ...
ta recherche semble passionnante ! j'espère que nous pourrons en avoir quelques éléments ...

Pour le jeu de go, il y a le livre de Yasunari Kawabata traduit sous le titre Le Maître et le tournoi de go, c'est le classique.

il y a aussi tout une littérature mathématique sur le jeu, fondée sur la statistique et tentant de formaliser la prise de décision
pas de référence en tête mais peux chercher si tu veux

Le jeu du fort-da chez Freud (Au delà du principe de plaisir), sur la compulsion de répétition.

.

Roi Merlin a écrit:

Je pense que tu pourrais trouver de la matière dans Le Jeu des perles de verre de Hesse, tant sur le plan ontologique qu'anthropologique (si je me souviens bien il fait de nombreuses références à la pensée chinoise)

C'est drôle, c'est justement la référence qui m'est venue à l'esprit en y repensant il y a 5 minutes. Si je me souviens bien il y a surtout des références à la philosophie occidentale. Je crois me rappeler que le personnage principal utilise le jeu des perles pour jouer avec le système de Hegel, celui qu'il préfère. Mais j'ai lu ça il y a bien 15 ans...

Il y a la thèse de Jouet-Pastré sur Le jeu et le sérieux dans les Lois de Platon, le livre d'E. Belmas, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne

Du côté du jeu vidéo, voir Triclot, Philosophie des jeux vidéos et les collectifs, Voir les jeux vidéos. Perception, construction, fiction et Espaces et temps des jeux vidéos.

Brenner R. et G., Spéculation et jeux de hasard. Une histoire de l'homme par le jeu

J. P. Carse, Jeux finis, jeux infinis. Le pari métaphysique du joueur (pas vraiment convaincu par ce livre)

! Eh bien merci pour ces très nombreuses pistes. Je ne sais si j'aurai le loisir de toutes les pratiquer!
J'avais trouvé ce site internet sur la question, où l'auteur critique les divers ouvrages sur la question : http://ludopathe.blogspot.fr/
Ce matin, j'ai trouvé des choses très intéressantes chez Alain ( Propos par.102, 559 ,518, 835, 728, 834, 945 ,937) et chez Simondon (, que je vais vraiment travailler à fond désormais.Imagination et invention, notamment sur le rapport de l'enfant au jouet, pp.36-38 et 98-100, de beaux textes très stimulants!)

Pour ceux que ça interesse, je remonte les infos bilbios dans le premier post, que je mettrai à jour

Le bouquin de Laurent Thirouin sur Pascal, même si c'est évidemment une perspective étroite. Bon livre.

Merci! Sur Pascal, j'ai déjà quelques éléments dans Le jeu de Colas Duflo, publié au PUF, et qui se restreint Aristote, Pascal, Diderot, Casanova, Leibniz et Schiller.

L'auteur de ce site http://ludopathe.blogspot.fr/ déplore souvent le fait que ceux qui s'engagent dans une méditation de l'activité ludique, le plus souvent la pratiquent pas, se contentent de la formaliser.

J'ai le même reproche à l'endroit des criminologues. (Non rien.)

Il faut quand même bien dire qu'il y a deux grandes tendances traditionnelles qui envisagent le jeu
_ soit comme délassement à peine autorisé entre deux activités sérieuses, qu'elles soient théoriques, religieuses ou politiques (Platon, Aristote, Saint Thomas, Alain etc.)
_soit comme propédeutique à ces mêmes activités sérieuses (Leibniz, Pascal, Simondon notamment)

La philo contemporaine étant tombée dans le travers inverse, consistant à se référer de façon nébuleuse au saint patronage d'Héraclite pour élaborer des ontologies du jeu à tour de bras, dont il s'agit justement d'éprouver la pertinence.

«à peine autorisé», s'agissant des 4 références que tu cites, c'est, me semble-t-il, un procès d'intention.

Oui, je charge la mule; mais disons qu'il y a un certain déclassement des activités ludiques au profit de celles scientifiques ou religieuses qui est assez flagrant.

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Merci pour cette mise au point (source de tout ceci? Je doute que ce fut rédigé à la volée)
Il n'en reste pas moins que le jeu est toujours un moyen vers autre chose : "jeu de l'existence", jeu de la dialectique, jouer à faire de la physique, condamnation du jeu qui enchaîne aux apparences, jeu qui permet la paidéia et n'a qu'une valeur pédagogique et propédeutique (au passage, même ça disparaîtra d'ailleurs chez Alain cf. ses Propos sur la pédagogie) , utilisation politique du jeu pour stabiliser la politique...
Je n'ai donc en aucun cas affirmé que le jeu était absent de la pensée de Platon, loin s'en faut; et évidemment, à bien des égards, il n'y a pas plus "joueur" que Socrate. C'est juste que le jeu est toujours appréhendé à partir d'un autre horizon (et puis bon, "fuir d'ici-bas"...)

En tout cas chez Aristote :

" Si le travail et le repos sont tous deux nécessaires, le dernier est sans contredit préférable; mais il faut chercher avec grand soin à le remplir comme il convient. Ce ne sera certainement pas par des jeux; car ce serait faire du jeu, chose impossible, le but même de la vie. Le jeu est surtout utile au milieu des travaux. L'homme qui travaille a besoin de délassement, et le jeu n'a pas d'autre objet que de délasser. Le travail amène toujours la fatigue et la contention de nos facultés. Il faut donc savoir appeler à propos l'emploi des jeux comme un remède salutaire. Le mouvement que le jeu procure détend l'esprit, et le repose par le plaisir qu'il donne." (Politique, V)

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