Comment envoyer un projet de thèse?

Une fois, à Nanterre, j'étais allé à un séminaire intitulé "comment faire sa thèse?" et tout paraissait extrêmement simple. Limite en sortant, on avait en tête le slogan "thèse pour tous!" parce que c'était un peu ce qui ressortait de tous les discours : "faire une thèse, c'est simple, et quiconque a un master en est capable".
Je pense vraiment avoir cette envie en moi et j'ai rédigé un projet de cinq pages avec bibliographie (très mince pour le moment) sauf que je n'ai "copiné" avec aucun prof durant mes études. Je ne sais donc pas bien à qui envoyer.
Pourriez-vous me dire comment on procède dans ce cas de figure?
Parce qu'au séminaire, ils disaient de tout simplement "oser envoyer, si on vous répond pas tant pis, si on vous répond tant mieux" -_-

Par ailleurs, j'entends beaucoup de gens dire : "si vous n'avez pas de concours, oubliez la thèse, vous courez au suicide (bon j'exagère mais c'est l'idée)"

Je ne vois pas trop où est le problème en fait, parce que sauf erreur de ma part, aucune loi n'empêche de passer les concours après la thèse donc dans l'hypothèse qu'on ait une source de revenus permettant de faire sa thèse, on peut très bien devenir prof après l'avoir finie. Est-ce parce que c'est particulièrement "mal vu" sur un CV d'avoir fait sa thèse avant d'avoir eu un concours?


Je connais un doctorant contractuel qui n'a ni le CAPES ni l'agreg comme quoi ça existe (et il le vit très bien).

Donc je suis un peu perdu (tout court) et encore plus avec ces nombreux codes implicites...

Merci d'avance pour vos lumières.

Plusieurs choses (je crois qu'on est allés au même séminaire )

S'il est possible de faire sa thèse sans les concours, cela reste fortement déconseillé pour diverses raisons: quasi-impossibilité de trouver un poste à la sortie du doctorat sans une agreg en poche, difficulté de se remettre dans l'esprit concours après avoir baigné plusieurs années dans la recherche, etc. Les avis que j'ai moissonnés autour de moi pendant des années sont unanimes: il vaut mieux avoir l'agreg avant de tenter la thèse. Après, chacun avise.

Le choix du directeur ou de la directrice est très important, donc veille à te renseigner ++ sur les profils que tu convoites. Un directeur influent est un atout de poids pour l'après-thèse, mais la compatibilité des caractères, méthodes, exigences, etc, est cardinale aussi. Combien d'amis thésards finissent en dépression parce qu'ils ne s'entendent pas du tout avec leur DT! Il n'y a pas de recette miracle pour trouver la bonne personne, mais il faut un bon relationnel, contacter les doctorants qui travaillent avec le directeur que tu convoites, te renseigner sur les réputations, les sphères d'influences, etc. Pour ça, les réseaux sociaux sont (entre autres) tes amis!

Bon courage

Merci pour ta réponse!

Pour la difficulté à se remettre dans le bain des concours, j'ai aussi entendu ça, mais pourtant on doit avoir beaucoup plus de recul sur les auteurs, la vision de la philosophie ainsi qu'une plus grande aisance orale (puisque l'on est quand même invité à prendre la parole de temps en temps -sinon souvent - en tant que doctorant) que des gens qui sortent d'un master. D'autant plus que l'on a été assez motivé pour travailler 3/4/5 ans sur un projet de longue haleine...

Donc honnêtement, je m'en suis moi aussi remis à l'argument de la majorité mais n'empêche que j'ai quand même du mal à le comprendre foncièrement.

Un CV de non-agrégé sera à peine regardé, le jour où tu te lanceras dans les campagnes de MCF. Ça me semble être un argument suffisamment clair (d'ailleurs, dans notre promo il y a un certain nombre de thésards qui préparent l'agreg parce que toutes les portes leurs sont fermées sans ce sésame)

Zarathoustra2013 a écrit:

Merci pour ta réponse!

Pour la difficulté à se remettre dans le bain des concours, j'ai aussi entendu ça, mais pourtant on doit avoir beaucoup plus de recul sur les auteurs, la vision de la philosophie ainsi qu'une plus grande aisance orale (puisque l'on est quand même invité à prendre la parole de temps en temps -sinon souvent - en tant que doctorant) que des gens qui sortent d'un master. D'autant plus que l'on a été assez motivé pour travailler 3/4/5 ans sur un projet de longue haleine...

Quand on fait une thèse on se spécialise inévitablement (à moins de défendre une thèse sur la nature de la philosophie elle-même, ce qui se fait), bien plus qu'on ne voudrait le croire. C'est un impératif qui s'impose dès qu'on comprend l'enjeu de l'exercice, à savoir gagner un statut de "spécialiste" sur une question ou un domaine de problèmes, ou un auteur/groupe d'auteurs. Quand bien même on voudrait garder un esprit large et continuer de lire un peu partout, le temps est limité et l'enjeu professionnel à la fin de la thèse est capital : avoir à peu près épuisé un champ de recherche et avoir produit un travail de la meilleure qualité possible, jugé par d'autres spécialistes.

Certes, il y a différentes sortes de thèses, certaines portent sur des sujets si étroits qu'on finit par en être le seul spécialiste mondial - un joli cadeau empoisonné -, d'autres mobilisent des problèmes canoniques et transhistoriques moins confinants. Mais l'un dans l'autre, l'esprit dans lequel on travaille n'est vraiment pas le même (je dirais que pour un concours il faut travailler finement des questions très larges, alors qu'en thèse on travaille largement des questions très fines).

Vipère a écrit:

Un CV de non-agrégé sera à peine regardé, le jour où tu te lanceras dans les campagnes de MCF. Ça me semble être un argument suffisamment clair (d'ailleurs, dans notre promo il y a un certain nombre de thésards qui préparent l'agreg parce que toutes les portes leurs sont fermées sans ce sésame)

Euh...je n'envisage pas du tout mais alors pas du tout cela, devenir cosmonaute me semble plus réaliste...ça c'est une certitude que même le premier de l'agreg' cette année ne pourra pas avoir, car si c'est une condition sine qua non, ça ne suffit pas du tout hein...
On peut être agrégé et passer toute sa vie au lycée si on n'enfonce pas les portes et qu'on a pas de gros coups de chance, il ne faut pas rêver. L'agrégation n'ouvre pas une voie aussi royale.

Donc non, ça ne me paraît pas un argument valable et je me sens d'autant plus perdu entre les étudiants des autres pays (car je suis ouvert sur l'international par mon passage à P8 et la participation à quelques colloques à l'étranger) qui trouvent notre système faisant de nous des bêtes à concours assez ridicule pour tout dire et les français qui te disent qu'il faut absolument avoir l'agrégation...la vérité doit être entre les deux.

Mais parler d'être MDC lorsqu'on est en train de préparer l'agreg', je trouve ça vraiment surréaliste pour le coup.
C'est pour ça que je n'ai pas aimé le séminaire de Nanterre où nous sommes allés tous les deux apparemment.

Avec le thésard surfeur en socio qui avait tous ses voyages financés à Hawaï...mon dieu, le miroir aux alouettes^^

Je ne fais pas le lien entre passer l'agreg et devenir maître de conf, je parle de l'après-thèse. Le doctorat est censé ouvrir les portes de l'enseignement supérieur, entre autres. Après, si tu as un autre projet, précise le d'entrée de jeu ce sera plus simple pour t'aider. Avoir l'agreg en plus de sa thèse est un énorme atout quand on cherche à enseigner dans le supérieur, mais il est évidemment possible d'opter pour d'autres voies.

À l'époque où l'on passait l'agrégation après la maîtrise, Bernard Bourgeois regrettait que l'année de maîtrise (il est vrai plus légère en cours et travaux à rendre que l'actuel M1) « déscolarise », c'était son terme, les étudiants.

Zarathoustra2013 a écrit:

Par ailleurs, j'entends beaucoup de gens dire : "si vous n'avez pas de concours, oubliez la thèse, vous courez au suicide (bon j'exagère mais c'est l'idée)"

Tu as vraisemblablement mal compris ce que disent ces gens là ou ils s'expriment mal. Il faut l'oublier si tu veux être financé durant ton doctorat (par un contrat) car tu as peu de chance de l'être sans concours (sans que ça soit systématiquement, cas que tu indiques)

Si tu es tranquille financièrement pendant ce temps, aucun problème institutionnel. Le seul "risque" (qui est relatif et déjà présent en master et avant maîtrise/DEA), repose sur l'hyper-spécialisation durant X années (3-5 ans) et le peu d'exercices pratiques (une intervention orale n'a rien à voir avec une leçon devant jury préparée en temps limité, et il faut déjà passer l'écrit). Rien n'empêche des exceptions, mais les statistiques indiquent une tendance.
Si je prends un exemple bête : un domaine qui m'intéresserait (parmi d'autres) pour une thèse future est la philosophie de la biologie, sur un point très spécialisé. Ça impliquerait de travailler certes un peu de philosophie des sciences mais surtout des livres/articles très contemporains et très éloignés des problématiques/auteurs/notions que je mobilise en cours (pour se donner une idée, regarder la biblio de la thèse de Pradeu, 99% des auteurs cités sont inconnus de tous mes collègues de philo). Bien sûr, c'est un exemple extrême, si tu fais une thèse sur la liberté chez les philosophes des lumières, tu seras nettement plus proche des concours, mais c'est rarement ce type là de thèse que l'on fait.  

Enfin, d'un point de vue très pragmatique, l'aisance financière (relative ou complète) semblera mieux utilisée pour obtenir un concours, car tu auras ensuite le temps (et les moyens) de réfléchir et de t’atteler à une thèse. L'inverse l'est nettement moins.

Vipère a écrit:

JAvoir l'agreg en plus de sa thèse est un énorme atout quand on cherche à enseigner dans le supérieur, mais il est évidemment possible d'opter pour d'autres voies.

Oui mais c'est loin de suffire! C'est pour ça que rester confiné dans un chemin tracé risque de poser problème, il faut aussi se démarquer. En fait il faut se démarquer en restant dans les clous, c'est le plus difficile!

Bon je vais voir...
Ma question portait sur l'envoi de mon projet à la base d'ailleurs (comment présenter les choses ect...)
Je vais me lancer!

Vipère a écrit:

quasi-impossibilité de trouver un poste à la sortie du doctorat sans une agreg en poche, difficulté de se remettre dans l'esprit concours après avoir baigné plusieurs années dans la recherche

C'est un problème proprement français, ça ! Pour peu que vous ayez envie d'enseigner à l'étranger (notamment en Europe, mais pas uniquement), vous ne serez jugé(e) que sur la qualité de votre thèse.

PhiPhilo a écrit:

Vipère a écrit:

quasi-impossibilité de trouver un poste à la sortie du doctorat sans une agreg en poche, difficulté de se remettre dans l'esprit concours après avoir baigné plusieurs années dans la recherche

C'est un problème proprement français, ça ! Pour peu que vous ayez envie d'enseigner à l'étranger (notamment en Europe, mais pas uniquement), vous ne serez jugé(e) que sur la qualité de votre thèse.

Tout à fait! Et même en France, cela commence tout doucement à bouger. Mais bon, il nous manque des éléments sur les projets de Zarathoustra pour répondre. S'il a pour ambition d'enseigner dans le supérieur en France l'agreg me semble incontournable, s'il a d'autres projets, c'est différent.

A mon avis je finirai par m'expatrier parce que bon...le système français a quand même quelque de déprimant.
Ou si je reste, ce sera pour le déconstruire depuis l'intérieur de toute façon.

Zarathoustra2013 a écrit:

A mon avis je finirai par m'expatrier parce que bon...le système français a quand même quelque de déprimant.
Ou si je reste, ce sera pour le déconstruire depuis l'intérieur de toute façon.

Excellente nouvelle (je parle de la déconstruction, pas de l'expatriation) !

L'étranger ne considère pas seulement la qualité de la thèse, mais le nombre d'articles écrits depuis le début des études et l'endroit où l'on a fait sa thèse et la personne avec qui on l'a faite. Je parle au moins pour le système britannique, mais je suppose que le reste doit en être assez proche, ou de plus en plus proche.

Oui, la temporalité de l'accès à la recherche en France est considérablement retardée et verrouillée par l'étape concours. Dans le monde anglo-saxon on est très tôt poussé à écrire des articles, quitte à pondre n'importe quoi pour allonger le cv (je pense qu'ils prennent actuellement conscience de cette inflation exponentielle). Bien qu'il y ait une sélection par l'argent pour l'accès aux meilleures facs, leur système est quand même moins sclérosé que le notre, siphonné par le parcours CPGE-ENS-agrégation.

Tom a écrit:

Oui, la temporalité de l'accès à la recherche en France est considérablement retardée et verrouillée par l'étape concours. Dans le monde anglo-saxon on est très tôt poussé à écrire des articles, quitte à pondre n'importe quoi pour allonger le cv (je pense qu'ils prennent actuellement conscience de cette inflation exponentielle). Bien qu'il y ait une sélection par l'argent pour l'accès aux meilleures facs, leur système est quand même moins sclérosé que le notre, siphonné par le parcours CPGE-ENS-agrégation.

Oui...et en cela profondément élitiste.
Ce n'est pas parce qu'on écrit notre thèse tôt et sans avoir fait un parcours "zéro faute hyper clean" que l'on va faire n'importe quoi et qui sait, peut-être même que l'on "écrira avec nos tripes", c'est quelque chose qui a tendance à se perdre.

J'aurais tendance à dire que l'on écrit notre thèse trop tôt ou alors qu'on sacralise trop la thèse. En effet, soit on fait de la thèse un moment, et dans ce cas-là, aucun problème à la faire tôt, puisque notre pensée pourra encore prendre le temps d'évoluer par la suite (c'est l'approche britannique, je pense) ; soit on fait de la thèse ce qu'elle est en ce moment en France, à savoir, la clef de voûte de notre carrière universitaire, et en ce cas, la commencer à 25 ans me semble trop tôt.

Ouais, c'est vrai que la thèse en France n'a rien à voir avec la thèse dans les autres pays...
D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez l'occasion d'aller à des évènements philosophiques internationaux, mais les gens ne pigent vraiment pas qu'un étudiant en possession d'un Master et ayant choisi de poursuivre en philosophie ne commence pas tout de suite sa thèse. Pour eux c'est la suite logique et dans pas mal de pays, c'est assez simple d'être financé apparemment. Mais bon...les problèmes arrivent ensuite : pas assez de postes pour tout le monde.
Nous les problèmes arrivent avant (concours impossibles/difficiles à avoir pour beaucoup d'étudiants) mais c'est après que les "meilleurs" sont tranquilles.

Zarathoustra2013 a écrit:

Ouais, c'est vrai que la thèse en France n'a rien à voir avec la thèse dans les autres pays...

Pas tellement non plus : je démarre la mienne au Québec à l'automne, et je trouve les exigences nettement supérieures aux nôtres.
La première année est exclusivement dédiée à suivre des séminaires (qu'il faut valider avec un certain niveau) et à élaborer un simple projet de thèse qui, à la fin, doit être évalué avec le directeur et une commission. Ensuite seulement la rédaction et l'activité de diffusion commencent. L'Université prévoit explicitement 4 à 5 ans d'études.

Je signale aussi que tout nouvel étudiant accepté en doctorat reçoit 2000 dollars de bourse automatiquement (certes, qui ne couvrent pas les frais d'inscription), et que des financements sont régulièrement offerts (bourses, corrections de copies des licences, assistanat à la recherche, cours offerts aux doctorants (les candidats proposent un plan et un mode d'évaluation)).

Tom a écrit:

Zarathoustra2013 a écrit:

Ouais, c'est vrai que la thèse en France n'a rien à voir avec la thèse dans les autres pays...

Pas tellement non plus : je démarre la mienne au Québec à l'automne, et je trouve les exigences nettement supérieures aux nôtres.
La première année est exclusivement dédiée à suivre des séminaires (qu'il faut valider avec un certain niveau) et à élaborer un simple projet de thèse qui, à la fin, doit être évalué avec le directeur et une commission. Ensuite seulement la rédaction et l'activité de diffusion commencent. L'Université prévoie explicitement 4 à 5 ans d'études.

Je signale aussi que tout nouvel étudiant accepté en doctorat reçoit 2000 dollars de bourse automatiquement (certes, qui ne couvrent pas les frais d'inscription), et que des financements sont régulièrement offerts (bourses, corrections de copies des licences, assistanat à la recherche, cours offerts aux doctorants (les candidats proposent un plan et un mode d'évaluation)).

Génial tout ça! C'est bien organisé au moins. Mon meilleur ami voudrait justement faire sa thèse au Québec. C'est clair que ton témoignage donne envie.

la question, c'est celle de l'équivalence de la thèse québécoise en france pour enseigner à la fac...et ça ne fait que repousser le problème pour les concours ensuite

moi, je me souviens qu'en 2007 à lyon, dans ma fac, pour deux bourses de thèse on était 4 sans concours et sont les deux poulains du directeur de l'ec qui avaient eu les bourses avec des sujets ( dont l'un était pas 100% philo, un truc inbitable sur dumézil) ; ma directrice de thèse avait gueulé avec moi, au nom de la diversité des thématiques, bref d'un certain équilibre...deux mecs borderline très très à droite et antipathique , d'un autre côté ça s'est su et décrédibiliser cette école doctorale qui prend on va dire n'importe qui

jésus a écrit:

la question, c'est celle de l'équivalence de la thèse québécoise en france pour enseigner à la fac...et ça ne fait que repousser le problème pour les concours ensuite

Pas de souci pour ça, mon directeur est connu et puis les chercheurs québécois ont souvent étudié en France (il y a même des agrégés). De toutes façons la thèse en elle-même reste la matière première.

jésus a écrit:

moi, je me souviens qu'en 2007 à lyon, dans ma fac, pour deux bourses de thèse on était 4 sans concours et sont les deux poulains du directeur de l'ec qui avaient eu les bourses avec des sujets ( dont l'un était pas 100% philo, un truc inbitable sur dumézil) ; ma directrice de thèse avait gueulé avec moi, au nom de la diversité des thématiques, bref d'un certain équilibre...deux mecs borderline très très à droite et antipathique , d'un autre côté ça s'est su et décrédibiliser cette école doctorale qui prend on va dire n'importe qui

Oh ça me rappelle tellement quelque chose.

Ça te rappelle quoi ?

MP.