Herder p 28 2è partie et 1er paragraphe page 29
Cette partie est difficile à saisir et rendue de façon assez peu satisfaisante par Rouché, donc je propose la traduction suivante :
Personne au monde ne sent mieux que moi la faiblesse de l'aspect très général de caractéristiques décrites. On dépeint un peuple entier, une époque, une contrée : Qui a t-on donc dépeint ? On saisit ensemble des peuples et des âges qui succèdent les uns aux autres dans une alternance éternelle, comme les vagues de la mer : Qui a t-on dépeint ? Qui, tel une cible, a été atteint par un discours chatoyant ? Finalement, on ne les saisit ensemble par rien d’autre que par des paroles générales, dont chacun pense peut-être et ressent ce qu’il veut : Quel moyen imparfait que la description ! Comme on peut être mal compris !
Qui a remarqué à quel point est inexprimable la capacité toute particulière qu’a un être humain de pouvoir faire ressortir des caractères distinctifs en exerçant son discernement ? Comment ressent-il, comment vit-il ? A quel point toutes choses deviennent à la fois différentes et siennes dès que son oeil les voit, son âme les mesure et son cœur les ressent ! Quelle que soit la profondeur qui réside dans le caractère d’une nation, et aussi souvent fût-elle contemplée et regardée avec étonnement, celle-ci échappe pourtant tellement aux paroles, et du moins en paroles est-elle si rarement reconnaissable à tout un chacun, qu’il ne peut comprendre ni ressentir : n’en est-il pas ainsi ? Quand on doit avoir une vue d’ensemble de l’immense océan de peuples entiers, d’époques et de pays, saisir cet océan dans un regard, un sentiment, un mot : Que la parole est une pâle, faible image, une simple silhouette ! La peinture entière et vivante de la façon de vivre, des habitudes, des besoins, des particularités du pays ou atmosphériques devrait venir s’y ajouter ou la précéder ; il faudrait commencer par sympathiser avec cette nation pour ressentir une seule de ses inclinations et de ses actions, et tout cela ressenti ensemble, il faudrait trouver un mot qui permette de tout se représenter dans sa plénitude — ou bien on ne lirait qu’un simple mot.
Michel Luciani
agrégé d'allemand
http://allemandsuperieur.wifeo.com